HAVE FAITH IN ME (tisha)

Regardant ton reflet dans la glace, tu passes tes mains sur les plis de ta robe. Tu ne sais pas pourquoi tu fais ça, Stella. Tu ne sais pas pourquoi tu y vas. Tu ne sais pas pourquoi t'as ce besoin qui revient tous les trois ou quatre mois. Tu t'arrêtes. Tu te regardes dans le miroir et soupires. C'est pour ne pas oublier. Pour te souvenir d'où tu viens et ce qu'il se passe dans cette ville. Surtout pas maintenant.
C'est pour toi.
Pour lui.
Pour elle.

Tu fais volte-face, refusant de te voir une seconde de plus. Un bouquet de pensées blanches sur ton lit. Tu le prends un main en t'asseyant sur ton lit. C'est étrange, Stella. Depuis une semaine, t'as réellement l'impression que ton monde s'effondre et pour une raison qui t'échappe, t'as l'impression qu'il saura t'aider. Cette idée est stupide. Il n'est plus là, Stella. Ça fait quatre ans déjà. Il n'est plus là. Et toi, tu n'étais pas là pour lui, pas vraiment là pour elle non plus. Un de parti, mais deux de perdu. Tu veux lui apporter des fleurs pour te faire pardonner. Tu ne sais même pas quelles étaient ses préférées. En fait, tu ne sais même pas s'il aimait les fleurs. Ces pensées, c'est pour lui dire que tu ne l'oublies pas. Ces pensées, c'est pour t'excuser de ne pas avoir été là, de n'avoir rien pu faire et pire que tout, de ne pas avoir pu veiller sur elle comme tu aurais du le faire. T'es partie, Stella, t'as baissé les bras. Tu l'a laissée quand tu étais certaine qu'elle avait encore besoin de toi. Elle t'a repoussée, surtout, mais t'as arrêté d'insister. T'as arrêté de l'ennuyer. T'avais pas envie d'être un autre poids mort dans sa vie. Pourtant, t'essaies encore quelque fois, quand tu la vois.

C'est lentement que tu descends les marches du couloir. T'as peur. Tu ne sais même pas pourquoi. Il n'y a aucune raison d'avoir peur. Deandre, c'était un peu le grand frère que tu n'avais jamais eu. Il te taquinait sur tout et n'importe quoi, il veillait sur toi comme il veillait sur Tisha. Il te donnait des conseils sur la vie (très souvent pourris, mais ça avait au moins le mérite de t'arracher un sourire.) T'avais l'impression d'être une part de leur famille. T'avais l'impression d'appartenir à quelque chose. Et puis ...

Tu resserres tes mains autour du bouquet. Le plastique se froisse avec un bruit désagréable.  Tu souffles. Tu détends tes mains. T'aurais du y retourner plus tôt, t'aurais du lui rendre visite plus souvent, mais t'as pas osé. T'as pas osé mettre les pieds là il reposait, de peur que Tisha ne t'en veuille encore plus que maintenant. Mais la semaine passée a été ... pleine de révélations. Tu l'as toujours su que Détroit croulait sous la crasse, t'as juste jamais tenté d'accepter cette vérité. Maintenant, tu sais, t'as les yeux bien ouverts, t'es bien éveillée dans cette réalité. T'es pas certaine de ce que Deandre pourra faire pour t'aider, c'est juste que ... t'en as envie. T'en as besoin.

Comme si la météo s'était accordée à ton humeur, le ciel est gris, les nuages sont présents, comme s'ils étaient près, eux aussi, à verser une larme. Tu traverses les allées, regardant les noms de toutes ces pauvres personnes. En voyant les dates, tu te demandes combien d'entre eux ont perdu la vie à cause d'un gang. Pire, tu te demandes combien d'entre eux Seth a tué. Ton cœur sombre un peu plus. C'était peut-être une mauvaise idée de revenir. La dernière fois que tu te trouvais dans ce cimetière, c'était il y a quatre ans ... pour son enterrement. T'as peur qu'il soit trop tard, Stella, mais tu continues d'avancer. Tes pieds savent très bien où il se trouve. T'aurais du ouvrir les yeux plus tôt. T'es pas certaine que tu aurais changé quoi que ça soit, mais t'aurais du. T'aurais du rester auprès de Tisha. T'aurais du l'épauler jusqu'au bout. T'aurais du.

Tu t'arrêtes soudainement, à quelques mètres seulement de ta destination finale. Une jeune femme de dos. Tu reconnaîtrais cette silhouette n'importe où. Tu souris, t'es soulagée, sans réellement savoir pourquoi. T'as l'impression qu'un poids a été retiré de tes épaules juste en la voyant. Tu t'approches, lentement avant de t'agenouiller pour déposer les fleurs sur la pierre tombale de Deandre. Tu ne dis rien. Tu te relèves. Tu restes là, à observer cette pierre gravée d'un nom. Et finalement, tu brises le silence sans jamais quitter l'épitaphe. « Salut, Tisha. »